Le terril de la Petite Bacnure

Le terril de la Petite Bacnure est situé au sein du quartier de La Préalle, au sud de la commune de Herstal. Il s'intègre dans un quartier à habitat lâche, où seule la rue Campagne de la Bance (au sud du terril) présente quelques habitations. Le pourtour du terril étant constitué de terrains à caractère agricole, de potagers et de friches industrielles. On relève la présence non négligeable d'une église et d'une école, situées au pied du flanc est du terril. Depuis 1995, ce terril est passé de la catégorie A à la catégorie C.

Situation du terril de la Petite Bacnure

(Extrait de la carte topographique IGN, 42/2 sud, 1/10.000, 1997)

Ce terril appartenait à la concession de la Grande et Petite Bacnure.

Il se présente sous la forme d'un terril à " crête " de direction NO-SE, résultant des déversements qui se sont étalés du début du XXème siècle (date non connue avec précision) à 1971.

Son volume approximatif est d'environ 3.200.000 m³, et sa masse d'environ 5.600.000 tonnes. Ce terril occupe une surface de 10,6 ha, et présente une hauteur de 83 m (d'après l'INIEX, 1978).

Néanmoins, sa caractéristique principale réside dans le fait qu'il présente un noyau de combustion, qui a été évalué à environ un tiers de sa masse. Cette combustion affecte le tiers sud-est du terril, soit la partie du terril la plus récente, les déversements s'étant opérés du nord-ouest au sud-est. La combustion peut être aisément visualisée sur le sommet du terril, sur une zone d'une vingtaine de m², située sur l'extrémité sud-est de la crête. On peut y voir, des chancres d'où s'échappent vapeur d'eau et gaz sulfureux. La coloration rougeâtre de cette zone, résulte d'un phénomène de cuisson des schistes houillers, qui passent ainsi du noir au rouge : si bien que l'on peut véritablement parler de thermométamorphisme.

 

Zone de combustion " vive " sur le sommet du terril

 

Photographie aérienne du terril de la: IGM, photo 42-1308, ~1/18.500, 30-04-1971)

La partie sud-ouest du terril a été la proie d'un glissement de terrain survenu le 1 er avril 1999.

Une langue de terre est ainsi venue obstruer la rue Campagne de la Bance située en contrebas, mais n'a heureusement atteint aucune maison de la rue. Par précaution, l'école, l'église et l'ensemble de la rue de la Bance ont été évacués. La masse effondrée est relativement importante, plusieurs milliers de mètres cubes, mais ne représente que quelques pour-cent de la masse totale du terril.

Glissement de terrain du 1 er avril 1999 du terril de la Petite Bacnure (vue du sommet)

Les causes de ce glissement sont le fruit de la convergence de nombreux faits. La combustion a provoqué une accélération du tassement du terril, si bien que si en 1971, la crête avait une allure subhonrizontale, elle présente actuellement une inclinaison sud-est de plusieurs degrés.

Ce tassement de la partie récente du terril a provoqué un bombement du terril à cet endroit où les pentes ont adoptés un profil convexe, les rendant particulièrement instables. Nous avions observé ce phénomène de bombement quelques jours avant l'effondrement, le terril présentait un point d'inflexion proche de sa base, la pente passant alors à un profil concave de plus faible pente.

D'autre part, le rôle de l'eau n'est pas à négliger dans les terrains meubles qui constituent les terrils. L'eau favorise considérablement la formation d'un glissement de terrain. Un ménage de la rue Campagne de la Bance, s'est déjà souvent plaint de fréquentes inondations dans ses caves, dues aux eaux de percolation et de ruissellement du terril, dont la base ne se situe qu'à quelques mètres de leur habitation. Une station de pompage, endommagée par le glissement de terrain, existait effectivement à côté de cette habitation. L'inconvénient était qu'elle recevait, en plus des eaux du terril, les eaux usées et de ruissellement des rues voisines, alors qu'elle n'avait initialement pas été prévue pour cela.

De plus, comme le précise M. Monjoie, professeur et directeur du département de Géologie à l'Université de Liège, le risque d'un glissement a été renforcé par une instabilité de la partie superficielle (plus froide) du terril, provoquée par l'évaporation au contact du noyau de combustion, des eaux de percolation.

Nous pouvons également souligner la présence d'une digue ou levée de terre d'une hauteur de quelques mètres ceinturant la base de la partie sud du terril, et séparée par un fossé de celui-ci, ayant vraisemblablement contribué à freiner le glissement de terrain.

Depuis cet effondrement, un périmètre de sécurité a été établi sur l'ensemble de la rue Campagne de la Bance par la commune de Herstal, interdisant totalement son accès à quiconque. Néanmoins, les autres rues qui longeaient le terril n'ont pas été interdites ; seule cette partie du terril a été retenue comme dangereuse.

Dès le début juillet 1999, les riverains las d'attendre, ont bravé l'interdiction et ont ainsi réintégré leur maison. Conscient du danger qui planait sur eux, ils réclamaient l'expropriation de leurs habitations au frais de la commune. Cette dernière n'a néanmoins pas pu répondre à leurs attentes, rejetant la responsabilité à la SIR (Société immobilière régionale ; N.B. : cette société a été créée par les anciens charbonnages pour gérer leurs nombreuses propriétés), propriétaire du terril.

La SIR ne voulait intervenir que si elle pouvait entièrement araser le terril, mais de nombreux habitants ainsi que la commune n'ont pas accepté.

Depuis, rien ne s'est arrangé, ni les autorités communales, ni la SIR ne veulent payer les sondages nécessaires à l'Université de Liège pour permettre une évaluation rigoureuse des zones à risques.

L'école et l'église continuent à être fréquentées, la rue Campagne de la Bance est encore obstruée par la langue de terre du terril et les habitants désespérés n'ont parfois que le choix de réintégrer leur habitation à leurs risques et périls (vu l'interdiction qui existe toujours), faute d'indemnisation. La Région wallonne ne s'est pas prononcé au cours de cet événement et semble partager l'avis du Conseil communal.

Aujourd'hui, un projet, piloté par la Région wallonne, vise la construction de lotissements au nord du terril, à l'endroit ou existaient les friches industrielles maintenant détruites. Or aucun danger de glissement n'a pu être écarté véritablement, et au sommet du terril des zones de combustion sont récemment apparues sur la partie nord-ouest de la crête (nous ne les observions pas il y a 2 à 3 ans) ; La combustion semble donc se propager.

Le problème, comme le soulignait M. Monjoie, c'est que les pourtours des terrils constituent les derniers endroits lotissables des communes. Ainsi, la commune de Herstal ne fait pas exception à cette règle et se retrouve dans ce cas délicat, qui est de garantir la sécurité et le logement de ses habitants ainsi que d'en accueillir.

La rue Campagne de la Bance le mois de mai 2001

 


 

Glissement de terrain du 1 er avril 1999 du terril de la Petite Bacnure (vue de la rue Campagne de la Bance)