BREF HISTORIQUE DE L'EXPLOITATION DU CHARBON EN WALLONIE

Il était difficile de faire un résumé exhaustif de l'exploitation du charbon en Wallonie, tant son histoire est longue. C'est pour cette raison que les considérations qui suivent sont en partie inspirées de l'ouvrage de Hasquin (1975) et du catalogue de l'exposition " Wallons d'ici et d'ailleurs. La société wallonne depuis la libération " (1996) , qui proposent un résumé que nous avons trouvé relativement complet et compact.

En Wallonie, l'exploitation du charbon a débuté dans le courant du XIIIème siècle.

A cette époque, l'extraction s'opérait à ciel ouvert et les exploitants ne creusaient que des galeries en déclivité. Parfois, ils allaient même jusqu'à aménager des "  baumes  ", c'est à dire des galeries en pente ascendante amorcées dans le flanc d'un vallon, en direction d'un gisement d'altitude supérieure.

Ne pouvant affecter que les couches superficielles, ces techniques ont bien vite été abandonnées. Apparaît alors, l'extraction au départ de puits et avec elle, les "  bures  ", puits intérieurs reliant verticalement deux ou plusieurs galeries ne débouchant pas au jour.

Ce procédé d'extraction a soulevé rapidement un problème majeur : l'eau qui se répandait au fond des fosses gênait considérablement les travaux.

Ce problème, ne disparaîtra qu'au début du XIXème siècle, avec l'apparition de galeries dites " d'exhaure ".

Entre le XIIIème et le XVème siècle s'est élaboré un droit minier, qui dans la région liégeoise appartenait aux propriétaires fonciers.

Dans l'industrie charbonnière, l'exploitation par des associations d'entrepreneurs était déjà habituelle, car l'extraction exigeait des investissements trop importants pour être prise en charge par un seul exploitant.

La création d'un charbonnage entraînait des frais d'établissement élevés, par exemple pour le creusement du puits et l'aménagement du système d'exhaure.

A Liège, les maîtres de fosses payaient une redevance, le " terrage " et la réparation des dégâts miniers aux propriétaires de la surface, ils payaient aussi un " cens d'araine " (redevance pour disposer d'un conduit de pente douce pour écouler les eaux souterraines vers des altitudes plus basses) à ceux qui créaient les galeries d'écoulement et un droit de versage aux détenteurs de terrains de déversement des eaux d'exhaure.

De plus, l'exploitation houillère comportait des risques techniques (inondation, glissement d'un terril sur un terrain voisin) et des risques juridiques (contrats de concession incomplets).

Ces " houillères ", bien qu'étant des industries coûteuses et hasardeuses, restaient aux mains d'associés d'origine populaire.

Jusqu'ici, il faut noter que le charbon ne servait qu'à alimenter le chauffage domestique et les feux des forges, des cloutiers et des maréchaux.

L'augmentation de la consommation locale dans les distilleries, les brasseries, les briqueteries et l'essor du commerce du charbon liégeois vers la Hollande , ont fait que l'on a assisté, au cours du XVIème siècle, à un accroissement considérable de la production de charbon.

Cette expansion a été l'occasion pour la bourgeoisie d'investir d'avantage.

On a assisté également à une aggravation de la situation engendrée par une baisse de la rentabilité des industries, confrontées à une hausse du coût d'exploitation dû au problème d'exhaure, devenu préoccupant suite à l'approfondissement des fosses d'extraction.

Ainsi, de 1580 à 1700, l 'industrie a été caractérisée successivement par une mécanisation des procédés d'exhaure, l'accroissement de la consommation de la houille et du développement du commerce extérieur du charbon.

Au début du XVIIIème siècle, la solution a enfin été apportée au problème d'exhaure. Elle nous est venu d'Angleterre par Newcomen qui a construit une pompe actionnée par un appareil à vapeur. Cette dernière a été utilisée vers 1720 dans la région liégeoise.

Suite au coût élevé de ce procédé, il ne pouvait être rentable que pour des charbonnages exploitant des concessions étendues (N.B. Concession : Contrat par lequel l'Administration autorise une personne privée moyennant une redevance à réaliser un ouvrage public ou à occuper à titre privé un domaine public). Ainsi, les entreprises charbonnières, qui jusque là restaient aux mains d'associés d'origine le plus souvent populaire, ont commencé à devenir purement capitalistes. C'est ainsi qu'est née, à la fin du XVIIIème siècle et au début du XIXème siècle une nouvelle forme de société, la société industrielle, laissant derrière elle l'extraction rudimentaire de la houille en économie fermée propre au monde rural des siècles précédents.

Au cours du XIXème siècle, les charbonnages n'ont cessé de s'agrandir au fil des fusions de concessions, de se raccorder aux infrastructures de transports (chemin de fer, canaux), et de diversifier leur production.

Au cours du XXème siècle, l'industrie du charbon a été perturbée par de nombreux événements.

La CECA  : origines et objectifs

Le 18 avril 1951 est signé, à Paris, le traité instituant la Communauté européenne du Charbon et de l'Acier (CECA) regroupant la France , la RFA., les pays du Benelux et l'Italie. Le contexte international qui a vu la création de la CECA a été celui des lendemains d'après-guerre, caractérisés par la réapparition, dans l'opinion publique, notamment française, de la question allemande et le souhait de prévenir une nouvelle guerre en Europe. La CECA est née de la volonté de dépasser la rivalité franco-allemande par la construction d'une Europe-Unie.

La Haute Autorité , l'institution centrale de la CECA , est chargée de promouvoir une croissance régulière de la production de charbon et d'acier, la libre circulation des produits, le respect d'une concurrence loyale et l'amélioration du niveau social des travailleurs employés dans les secteurs de la sidérurgie et du charbon. L'ouverture des frontières dans le cadre de la CECA a vu se développer considérablement le volume des échanges intracommunautaires sur le plan du charbon (trente millions de tonnes en 1955). Dans la foulée, on constate une augmentation de la production.

La " crise d'adaptation " des charbonnages wallons

Durant l'Entre-deux-guerres, le charbon s'est imposé comme l'une des sources de la prospérité et du développement socio-économique de la Belgique. La part prise par la Wallonie dans la prospérité belge était essentielle. A la veille de l'ouverture des frontières entre les "six" de la CECA , la production charbonnière wallonne atteignait annuellement 19 millions de tonnes. La rentabilité de nombreux puits s'avérait cependant déjà compromise par les effets cumulés de l'épuisement des gisements, d'équipements périmés et de hauts salaires pratiqués en raison d'une pénurie de main-d'oeuvre dans le secteur d'activité industrielle. Sous la pression de l'industrie lourde, consommatrice de charbon, le gouvernement poursuivait sa politique de subsidiation de l'industrie charbonnière, négligeant de recourir à l'instrument de la reconversion. La sidérurgie était alors la bénéficiaire nette du maintien de cette politique de subsidiation.

L'ouverture subite des frontières au sein de la CECA a provoqué une baisse considérable des prix de vente, le patronnat charbonnier n'osant cependant pas renoncer à la pratique des hauts salaires. En dépit de dédommagements provisoires octroyés par la CECA et l'Etat belge, la réduction importante des recettes a affecté l'évolution de l'industrie charbonnière : diminution de la production et fermeture de charbonnages, surtout en Wallonie.

Face à la " crise d'adaptation " qu'ils traversaient, les membres de la CECA adoptèrent un certain nombre de mesures, parmi lesquelles figurait une limitation des importations d'origine hors-CECA, notamment nord-américaines. En 1957, le bassin houiller wallon s'avérait encore exportateur contrairement à plusieurs autres pays membres de la CECA. La Wallonie se trouvait donc plus affectée par la concurrence des charbons nord-américains et par celle, grandissante, du pétrole.

Les " six " ont décidé aussi une rationalisation de la production ainsi que l'octroi d'un revenu minimal garanti aux travailleurs licenciés, victimes de la fermeture de nombreux charbonnages.

L'argent, alloué par la CECA pour financer le recyclage du personnel licencié n'a finalement pas évité l'explosion sociale, et avec elle les mouvements de grève.

L'industrie charbonnière wallonne et la concurrence pétrolière

Si les débuts de la CECA étaient contemporains d'une époque où le charbon constituait encore une source d'approvisionnement en énergie essentielle, on constate, à partir de 1960, une inversion croissante des courbes de consommation du charbon et du pétrole. La possibilité d'obtenir du pétrole brut du Moyen-Orient en quantité abondante, l'évolution comparée des coûts de production du pétrole à la baisse et du charbon à la hausse, annoncèrent la fin d'une certaine époque de l'industrie charbonnière. Fin des années 1960, le bouleversement du marché de l'énergie a été complet. Cumulée à celle des charbons étrangers et du gaz hollandais, la concurrence du pétrole a provoqué un déclin du rendement de l'industrie houillère wallonne.

Devant les difficultés d'écoulement, à partir de 1958, la Haute Autorité de la CECA s'est engagée à prendre des mesures de réduction de la production charbonnière affectant diverses régions du territoire communautaire. Celles-ci ont été à l'origine d'entreprises de reconversion et de suppressions d'emplois qui ont constitué notamment la toile de fond de l'évolution de la Wallonie pendant plusieurs décennies. Le charbon ayant constitué un secteur-clef de l'industrie wallonne, au départ duquel l'essentiel de la structure économique de la Wallonie s'est développée, l'amorce de son déclin devait, par un phénomène "d'osmose", avoir des conséquences désastreuses pour l'ensemble de l'économie wallonne. Tous les secteurs liés financièrement et techniquement à l'industrie charbonnière ont ainsi été affectés.

Le déclin de l'industrie charbonnière wallonne

En Wallonie, les mesures de réduction de la production charbonnière arrêtées dans le cadre de la CECA se sont traduites notamment par une planification de la fermeture des charbonnages wallons prévue, au plus tard, pour 1981. En 1973, le gouvernement belge a même offert des primes de départ afin d'accélérer la reconversion du personnel employé dans ce secteur d'activité. Les pertes d'emplois ont surtout frappé les charbonnages wallons. La CECA appuyait le processus de restructuration et de reconversion, offrant à la Wallonie de financer la restructuration des charbonnages existant ainsi que la reconversion des travailleurs. Les prêts atteignaient, de 1973 à 1978, la somme de 451 millions de FB.

La crise énergétique survenue en 1979 et l'augmentation des prix pétroliers ont provoqué un bouleversement des décisions arrêtées sur le plan de la restructuration du secteur charbonnier et, plus particulièrement, sur le plan des fermetures de charbonnages. La Commission européenne avait en effet décidé la relance de l'exploitation charbonnière dans la Communauté.

Néanmoins, le secteur charbonnier wallon, dans son ensemble, n'en n'était pas moins condamné à plus ou moins brève échéance.

Le charbonnage Le Roton, à Farciennes, près de Charleroi, était le dernier puits wallon en activité au début des années 1980. Le constat de la faiblesse de cette dernière unité de l'industrie charbonnière wallonne a emmené le Comité ministériel de Coordination économique et sociale (CMCES) à décider, sans consultation préalable de l'Exécutif régional wallon, la fermeture du Roton pour le 30 septembre 1984.

 

L'industrie charbonnière wallonne avait ainsi vécu…

Elle laissait néanmoins ses terrils.