Exemple d'étude géomorphologique d'un terril

6.3.1. Crêtes et ravines de déversement

6.3.1.1. Généralités

Comme nous l'avons déjà évoqué la succession de crêtes et de ravines sur le terril est liée à l'utilisation de glissières sur les versants afin de faciliter l'étalement rapide des matériaux (c'est pour cette raison que nous dirons " de déversement "). L'axe de chacune constitue un rayon, complet ou non, du terril.

Les crêtes surplombent généralement le fond des ravines de quelques mètres (toujours < 10 m ).

Le terril étant de forme conique, nous pouvions nous attendre à retrouver une succession de crêtes et de ravines sur l'entièreté du terril. Or il n'en n'est rien.

En effet, cette succession ne peut être clairement observée que sur une zone comprise entre le nord et le sud-est, où 31 crêtes ont été mises en évidence. Et sur une autre zone qui englobe une petite bande à l'ouest et la partie sommitale du versant sud du terril, 17 crêtes ont pu être individualisées (voir figure 6.3). Mais dans cette dernière, les crêtes et les ravines présentent généralement un axe beaucoup moins long ; il n'existe que quatre crêtes qui vont du sommet au pied du terril. Les autres sont arrêtées par deux " replats " situés au nord-est et au sud-est. A cet endroit, elles présentent toutes une rupture brusque de leur pente, qui était jusque là relativement faible et constante, (voir chapitre relatif au pente) qui apparaît, sur le terrain, sous la forme d'un " éperon tronqué ".

 

Photo 6.3. Forme en " éperon tronqué " d'une crête au pied du terril

6.3.1.2. Profil transversal

Les crêtes présentent un profil transversal arrondi, mais de forte convexité, alors que les ravines présentent généralement un profil en " U " avec des versants pentus. Ce profil des ravines n'est pas l'original puisqu'il résulte de la descente de matériaux superficielle des versants pentus des crêtes. Ce phénomène a été particulièrement bien mis en évidence, par le " marquage " (à l'aide d'une bombe de couleur indélébile et deux barres métalliques profondément ancrées dans le sol) de blocs de différentes tailles, présents sur les sommets des 2 versants de la ravine reprise dans le profil ci-dessous, ainsi que sur 4 autres versants de deux ravines voisines : 1, 2, 3 et 10 cm .

Ainsi, il apparaît, un an après le marquage (19-06-2000 D 19-06-2001), que les blocs de 10 cm de diamètre sont descendus d'environ 1 m , alors que les éléments plus petits étaient descendus d'une longueur variant entre 0,5 et 1 m . Les pentes transversales des crêtes sont ainsi soumises à une situation d'éboulis actuel. Cette instabilité superficielle et " actuelle " de ces versants est également perceptible sur le terrain par une végétation très lâche, puisque ces pentes instables constituent un frein pour la colonisation. Comme l'a déjà mis en évidence Ghio (1975), ce phénomène résulte surtout de la gravité, de l'action de l'alternance du gel et du dégel et de la pluie.

La colonisation peut néanmoins se faire, mais il s'agit en général de plantes pionnières adaptées à ces zones mobiles : clématite des bois, séneçon sud-africain, tussilage,… Ces groupements pionniers provoquent une stabilisation de la pente, perceptible sur les versants où ces groupements sont présents. Les " touffes " et les organes souterrains déterminent, en effet, une retenue du substrat au-dessus de chacune d'elles, tandis qu'en aval, le substrat continue à descendre. Ce phénomène donne ainsi à la pente, une morphologie particulière en forme "d'escalier" (Frankart 1984).

Nous avons également constaté que les crêtes situées à l'ouest du terril possèdent des lignes de crête beaucoup plus larges que les autres.

 

Figure 6.4. Profil transversal d'une succession de crêtes et de ravines au nord du terril de Bernalmont

 

Photo 6.4. Succession de ravines et de crêtes à l'est du terril de Bernalmont (et cône d'éboulis au pied de la ravine)

6.3.1.3. Profil longitudinal

Les profils longitudinaux des crêtes et des ravines sont relativement parallèles, bien que les ravines adoptent un profil légèrement concave et les crêtes légèrement convexes. La différence essentielle se marque au pied du terril. En effet, alors que les crêtes présentent une rupture de pente nette, liée aux techniques de déversement (en forme d'éperon tronqué), les ravines terminent leur course en adoptant une pente sensiblement plus faible, rectiligne ou très faiblement concave. Ce phénomène résulte de l'approvisionnement en matériaux des versants ; les éléments de désagrégation dégringolent vers le fond de la ravine et finissent par s'accumuler au pied, sous la forme d'un cône d'éboulis . Il ne s'agit pas de cône de déjection puisque lors de fortes pluies, nous n'avons décelé aucun ruissellement dans les ravines de déversement. En effet, cela résulte de la grande perméabilité du sol, qui est à mettre directement en relation avec la grossièreté des éléments, qui ont été déversés sans être tassés (voir granulométrie plus haut). De plus, la taille des éléments (qui peuvent atteindre une longueur de 50 cm ) exclut l'hypothèse d'un transport quelconque par ruissellement.

La légère concavité du cône d'éboulis provient du fait que les plus gros éléments " roulent " plus loin.

Ils sont en général de gabarits assez modestes et présentent une épaisseur d'accumulation toujours inférieure au mètre et une dimension limitée à l'intérieur de la ravine dont ils débordent rarement.

Ils dépendent fortement des pentes entourant la ravine mais aussi de sa largeur, de sa longueur et de sa profondeur (différence moyenne d'altitude entre la ravine et les deux crêtes voisines). Ce phénomène est quasiment présent au pied de toutes les ravines. De ce fait, nous avons décidé de ne reprendre que le cône d'éboulis le plus marquant sur la figure 6.3, c'est à dire au pied de la ravine la plus large, la plus profonde, aux versants pentus et longs, mais pas la plus longue (voir figure 6.3).

 

Figure 6.5. Profil longitudinal d'une crête et d'un ravine situées au nord du terril de Bernalmont

D'autre part, la forme en " éperon tronqué " des crêtes n'est pas seulement visible au pied de celles-ci. Nous pouvons également retrouver ces formes à d'autres endroits :

•  le long d'un chemin d'une largeur d'environ deux mètres qui " recoupe " les crêtes en éperon tronqué (voir carte 3.1), sur le profil longitudinal ci-dessus le chemin n'est pas visible mais on peut le deviner à l'altitude d'environ 138 m , la rupture de pente en amont correspond à " l'éperon tronqué " ;

•  à différentes altitudes de la crête et très localisé sans causes apparentes, à environ 190 m sur le profil ci-dessus.

Photo 6.5. Vue de face du glissement survenu sur la crête de la figure 6.5 à environ 190 m d'altitude : forme en " éperon tronqué "

Si les premières résultent d'un recoupement anthropique, la cause des deuxièmes n'est pas connu à priori ; elles ne sont pas alignées, comme c'est le cas le long du chemin ou au pied du terril, mais réparties ici et là, à différents endroits des crêtes (voir figure 6.3). Ce fait traduit que ces formes résultent d'un mouvement bien individualisé et bien localisé, et non d'un mouvement global de masse. Il s'agit de petits glissements de terrain très localisés, en raison de la rupture de pente nette laissée, de la faible ampleur du phénomène, et qui n'affectent que les terrains superficiels. Nous parlerons de " glissement en bloc " (Sharpe, 1938) puisque un glissement de terrain divise une crête en plusieurs parties, c'est à dire en blocs : le mouvement consiste en une simple translation. Ce type de glissement montre que les matériaux mis en mouvement ne se sont pas comportés en masse visqueuse.

Figure 6.6. Profil longitudinal schématique d'une crête située à l'est du terril de Bernalmont : glissement en bloc affectant la crête et " éperon tronqué "

(Auteur : P. Corexenos, 2001)

6.3.2. Rejet latéral de matériaux : " bourrelet marginal "

Ce terme a été utilisé par Hughes, Nef et Prignon (1993), lors d'une étude concernant le terril Saint Antoine dans le Hainaut, où les auteurs observaient que le poids du terril provoquait un affaissement de l'assise limoneuse et calcaire sous-jacente, ayant pour effet de déstabiliser la base du terril. Ceci a provoqué alors un rejet latéral de matériaux du terril mêlés au ceux de l'assise qui ont formé ce qu'ils appellent le " bourrelet marginal ". Ils remarquent également que ce dernier a déstabilisé les bâtiments existant plus loin, dans l'axe de l'avancée.

Un tel bourrelet est visible au nord-est, et dans une moindre mesure au sud-est du terril de Bernalmont. Les bourrelets sont visibles en raison de la faible pente qui les caractérise : ils se présentent sous la forme de " replats " de plus au moins grande dimension.

Le bourrelet au nord-est du terril dessine une zone en forme de " croissant de lune " d'une largeur maximale d'environ 100 m , et d'une longueur maximale d'environ 130 m .

Son altitude varie entre 130 et 145 m .

Le second est de moins grande dimension ; il forme une zone assez triangulaire d'environ 75 m de hauteur. L'altitude de cette forme varie également entre 130 et 145 m .

 

Figure 6.7. Profil transversal mettant en évidence le bourrelet marginal situé au NE du terril de Bernalmont

Le rejet latéral, responsable des bourrelets marginaux, s'est produit à la fin des activités du charbonnage, vers 1967, comme en témoigne M. Tilkin, géomètre ayant travaillé jadis pour la Société charbonnière de la Grande et Petite Bacnure. Les deux bourrelets se sont produits au même moment, et très rapidement et résultent du même rejet latéral de matériaux.

La présence d'une cavité de 3 m située entre 140 et 137 m d'altitude sous le versant surplombant le bourrelet (voir sondage A, figure 6.2), c'est à dire à une altitude comparable à celles des replats, témoigne du " vide " laissé par le mouvement latéral des éléments qui n'ont pas été remplacés (en 1978, mais actuellement nous ne savons pas s'il y a eu comblement de cette cavité).

Il s'agit ainsi d'un véritable " sapement " par la base, de matériaux présents à la base du terril mêlés aux matériaux de l'assiette du terrain, c'est à dire de limon, de loess et de cailloutis d'une épaisseur totale de 8 m , provoqué par un glissement latéral des matériaux, dû au poids du terril et au caractère visqueux de la masse en mouvement.

En effet, pour qu'un tel rejet puisse se produire il faut que les matériaux, qui vont glisser, se comportent comme une masse visqueuse, rendue possible grâce à une certaine quantité d'eau.

M. Tilkin nous a effectivement relaté que le charbonnage s'inquiétait d'une humidité sans cesse croissante du terril. L'eau a donc joué le rôle essentiel dans le déclenchement du rejet latéral.

Ce phénomène de saturation croissante du terril de Bernalmont peut être expliqué de la manière suivante. Le terril présentant une masse énorme (voir plus haut), a provoqué un tassement, dû à son poids, qui a modifié considérablement les caractéristiques du sol et du sous-sol sur lesquels il repose.

Ainsi, il a provoqué une modification des eaux souterraines d'écoulement peu profondes, en compactant et en renfermant les fissures du bed rock houiller sous-jacent. Il s'est alors créé une saturation des dépôts de la terrasse, qui à leur tour ont provoqué la saturation progressive, du bas vers le haut du terril. Puisque les eaux qui percolaient du terril ne pouvaient plus être évacuées à la base (Monjoie, 2000).

Les dépôts mis en mouvement ne se sont arrêtés, le jour de l'événement, qu'au moment où les matériaux à l'aplomb des matériaux qui ont glissé, ont été en contact, non plus avec les dépôts de terrasse, mais avec le bed rock.

Nous pouvons ainsi voir qu'un tel mouvement n'a été possible que par la présence d'une certaine épaisseur de dépôts meubles sous le terril .

Il faut également souligner que la composition et la granulométrie des matériaux du terril ont été des facteurs qui ont diminué la résistance à la rupture du rejet : faible cohérence des matériaux, matériaux faiblement compactés, éléments de forme lisse (Selby, 1970).

D'autre part, la force qui a dicté l'ampleur du phénomène est le poids qu'ont exercé les matériaux du terril qui n'ont que peu bougé sur les matériaux sous-jacents.

Figure 6.8. Modélisation des tassements et compaction dus à la surcharge d'un terril

(Source : Monjoie, 2000)

La présence de " stries " sur le bourrelet situé au NE, témoignent d'un glissement latéral net et intense entre les matériaux qui ont glissé et ceux au-dessus d'eux. L'altitude du replat constitue donc vraisemblablement la limite qu'avait atteinte la saturation (on peut parler de " nappe du terril "), soit environ 145 m . L'existence de la cavité de 3 m , 7 ans après le rejet, conforte cette position. Puisque la persistance d'une telle forme implique que les matériaux, à l'aplomb de celle-ci, ne se sont pas comportés comme une masse visqueuse. Les stries nous renseignent également de la direction du rejet, parallèle aux stries.

Le rejet latéral a été freiné, voir stoppé, par la présence, à l'est du terril de Bernalmont, du terril de Belle-Vue. Ce barrage explique que dans la zone exactement perpendiculaire au terril de Belle-Vue, c'est à dire où la résistance face au rejet est la plus forte, nous n'observons pas de bourrelet. Les matériaux ont donc contourné cet obstacle et ne sont sortis que de part et d'autre. Ce fait est visible par la courbure que prennent les stries présentent à l'est du bourrelet marginal principal.

Comme, nous l'avons dit plus haut, il s'agit d'un glissement latéral qui n'a affecté que la base du terril. Ainsi, il apparaît que sur la photographie de 1971, tout le versant NE du terril, marqué par la succession de crêtes et de ravines et surplombant le bourrelet, a conservé la forme qu'il avait avant le rejet. Il en va de même pour la morphologie du versant SE.

Néanmoins, le rejet latéral a provoqué, lors de son avancée, une instabilité générale du terril. Les glissements en bloc n'affectant que les crêtes surplombant, ou proche des deux bourrelets, nous pouvons considérer les glissements en bloc et le rejet latéral comme synchrones.

Les principaux facteurs, intervenant dans le déclenchement du phénomène, sont donc : la présence d'une certaine épaisseur de dépôts meubles sous le terril, la saturation de ces dépôts et d'une partie des matériaux du terril, la composition et la granulométrie des matériaux et la masse du terril.

Figure 6.9. Schématisation du processus du " rejet latéral " du terril de Bernalmont

(Auteur : P. Corexenos, 2001)

Parallèlement, la poussée du bourrelet marginal a provoqué, dans les dépôts meubles de la terrasse, la formation de bourrelets " secondaires ", tels que ceux que l'on rencontre à la marge d'une moraine de poussée. Ce sont ces bourrelets qui ont été les responsables de la déstabilisation, voire de la destruction de quelques habitations de la rue de la Crête , située dans l'axe d'avancée et à environ 50 m du bourrelet marginal. Les traces ont aujourd'hui totalement disparu. Puisque qu'à la suite de cet événement, les propriétaires du charbonnage, ayant pris conscience de l'ampleur de ce type de danger, ont décidé de prendre des mesures afin de protéger les habitations voisines du terril.

Une levée de terre, ou digue, de dépôts de la terrasse (d'après nos observations sur le terrain et A. Tilkin) de deux à trois mètres de hauteur et séparée du bourrelet par le creusement d'une fosse d'une profondeur de 3 m , ont été entrepris (voir figure 6.3). Le bourrelet a également été recoupé ; ceci est clairement visible actuellement puisque sa retombée se fait par un versant de forte pente. Ces mesures devaient constituer une protection contre toute éventualité de remobilisation du bourrelet.

D'autre part, M. Tilkin nous a précisé que le rôle que l'eau a joué dans ce mouvement était connu. Suite à ce fait, il a été décidé afin de palier à la formation d'un autre bourrelet, de créer un réseau de drainage au sein même du terril ainsi que dans les dépôts de terrasse.

Les eaux étant évacuées par un gros tuyau, qui rejoint la Meuse , et qui passe sous la rue des Vignes (prolongement de la rue de la Crête ).

Sur le terrain, nous avons décelé la présence de deux sources, l'une à la marge du bourrelet NE, l'autre à la marge du bourrelet SE (voir chapitre relatif aux sources). Lorsque nous en avons parlé à M. Tilkin, il n'a pas été surpris de l'entendre. En effet, le réseau de drainage a été mis en place vers 1970, il est donc vieux et a pu subir de nombreuses ruptures.

La source située le plus au nord est la plus préoccupante puisqu'elle a pour effet, d'apporter continuellement de l'eau dans la " fosse " (dépression fermée) au nord du terril.

La mobilisation éventuelle du bourrelet marginal au NE du terril n'est donc pas écartée totalement, mais reste néanmoins difficile aujourd'hui, en raison du contact du terril avec le bed rock.

6.3.3. Glissement de terrain

Il s'agit d'un glissement de terrain au sens strict du terme, bien individualisé, tel que celui qui s'est produit sur le terril de la Petite Bacnure.

Ce glissement a affecté tout le versant nord-ouest du terril de Bernalmont.

Toutes les caractéristiques du glissement de terrain apparaissent clairement sur la figure 6.10 : escarpement principal très net et très pentu, escarpements mineurs, crevasses transversales, longitudinales et radiales. Néanmoins, ces formes ont été plus au moins " gommées " sur le terrain, à la suite de la désagrégation des éléments et aux agents de transport en masse.

Figure 6.11. Nomenclature des différentes parties d'un glissement de terrain

(Source : Timmermans, 1968, p. 10)

Photo 6.6. Visualisation de la partie sommitale de l'escarpement principal

D'après M. Tilkin, ce glissement de terrain s'est produit quelques secondes après le rejet latéral. Il résulte de la déstabilisation du versant suite au rejet latéral de 1967 . Tout le versant NO du terril aurait ainsi été affecté par une augmentation généralisée de ses pentes . Mais, comme dans le cas précédent, la saturation des terrains de la base du terril, la granulométrie et la composition des matériaux sont également intervenus.

Une levée de terre ainsi qu'un fossé ont également été créés à la marge des matériaux qui ont glissé.

 

  Figure 6.12. Profil longitudinal du glissement de terrain au NO du terril de Bernalmont

  6.3.4. Versant à pente régulière

Ce versant s'étend de part et d'autre de la rampe d'acheminement des matériaux (SO du terril).

Il résulte des techniques de déversement. Il s'agit d'une zone uniforme liée à l'emploi de glissières disposées parallèlement à la pente. Celles-ci avaient pour but de bien répandre les matériaux sur l'entièreté de la zone.

Les matériaux étaient emmenés, depuis la rampe, par l'intermédiaire de deux véritables " toboggans ". Ce procédé était utilisé afin de palier le manque de matériaux. Puisque les déversements, qui s'opéraient, dans le sens opposé, avaient pour conséquence de créer un terril à forme dissymétrique, et non conique, par ce fait très instable.

La pente de cette zone adopte, à cause de ce procédé, la pente de l'éboulis de gravité , qui reste généralement comprise entre 27 et 33 °.

N.B. La pente de l'éboulis de gravité varie selon la nature des roches et reste généralement comprise entre 28 et 37 °.

Photo 6.7. Visualisation du " toboggan " sur la zone régulière à l'ouest de la rampe de déversement du terril de Bernalmont

Le seul accident majeur qui a affecté cette zone est un abrupt situé au pied sud de celle-ci. Nous supposons qu'il s'agit là de l'escarpement principal d'un glissement de terrain de beaucoup plus faible ampleur que celui décrit ci-dessus. L'escarpement principal ainsi que les matériaux mobilisés sont visibles sur la photographie aérienne de 1971. La présence d'un boisement relativement dense, à base du robinier faux-acacia, localisé uniquement dans cette unité morphologique a été relaté par Froment (1971). Il résulte d'une plantation réalisée vers 1950 (Franssen, 1996) qui témoigne du soucis qu'ont eu les propriétaires du charbonnage à stabiliser les matériaux au plus vite, afin d'éviter une quelconque autre mise en mouvement des matériaux (compte tenu de la forte pente qu'avait laissé le glissement de terrain). Aujourd'hui, les matériaux qui dégringolent le long des pentes ont pratiquement effacé l'escarpement principal, si bien que le glissement présente une pente à peine plus forte que la zone régulière.

Remarque

Le robinier faux-acacia ( Robinia pseudacacia ) est un arbre à enracinement d'abord pivotant (prolongement souterrain de la tige, de pénétration variable), puis latéral (ramification de celle-ci) et longuement drageonnant.

Il permet ainsi, grâce à son enracinement relativement profond et à la densité de son peuplement, une stabilisation du substrat, et une désagrégation progressive des matériaux (Rondeux, 1998).

 

Figure 6.13. Profil longitudinal actuel de la zone régulière au SO du terril de Bernalmont

6.3.5. Cône d'éboulis

Il s'agit d'un immense cône d'éboulis, d'une surface d'environ 6300 m² . Sur le terrain, on peut observé que la taille des éléments augmente du sommet vers la base du cône.

Il résulte de la désagrégation, sur les pentes abruptes situées à l'aplomb de cette zone (zone à crêtes), de schistes et de grès qui libèrent des fragments qui dégringolent le long de ces pentes. Nos observations sur le terrain reflètent le fait que les gros blocs roulent plus loin à la surface de l'éboulis et viennent s'accumuler à la partie inférieure de celui-ci.

Ce cône s'est développé progressivement et parallèlement aux déversements. Si bien la trace, d'une mobilisation des matériaux sur le versant situé plus haut (en forme de cône renversé), n'a pu être clairement observée.

L'orientation NO-SE du cône d'éboulis a été dictée par la présence de glissières situées parallèlement à son axe.

6.4. Analyse de la carte des pentes

L'analyse des pentes est essentielle pour la détermination actuelle des zones susceptibles de se mettre en mouvement. En effet, le facteur principal responsable des différentes formes analysées plus haut demeure la pesanteur, qui peut parfois agir conjointement à l'humidité du sol (qui sera prise en compte plus loin).

Nous avons décidé d'entreprendre cette analyse après l'individualisation des unités morphologiques. Cette méthode, nous permet effectivement de mieux comprendre la localisation et l'origine de quasiment chaque pente.

Puisque ce sont les agents de transport en masse (glissement, éboulis,…) et les techniques de déversement qui sont responsables du relief actuel du terril .

La pente de l'éboulis de gravité sur les matériaux du terril, est comprise entre 27 et 33 °. Nous considérerons donc les zones qui présentent une pente supérieure à 33° , comme zones à " risques " ou " sensibles ", car elles sont susceptibles d'engendrer un glissement de terrain.

6.4.1. Obtention de la carte des pentes

La carte des pentes a été obtenue à partir de la grille générée au départ du T.I.N., grâce à la fonction Derive Slope de l'extension 3D Analyst du logiciel Arcview (voir figure 6.14).

Rappel

g = gradient de pente d'un pixel compris entre [O, p /2]

6.4.2. Détermination des zones " de forte pente "

Le bourrelet marginal au NE du terril est un replat. Les pentes présentes sur ce replat sont faibles, elles sont toujours inférieure à 20° .

Les versants de ce bourrelet ont des valeurs comprises entre 25 et 33°. La terminaison du bourrelet se présente donc comme une pente d'éboulis de gravité.

Seule une petite zone constituant les versants surplombant la source située à l'est du bourrelet, présente une pente d'environ 35°.

Le replat du petit bourrelet, localisé au SE du terril, présente des pentes comparables. Néanmoins, un petite partie du versant ouest du bourrelet enregistre une pente d'environ 35° .

Dans le glissement de terrain au NO du terril, les éléments qui ont été mobilisés présentent des pentes moyennes à faibles, elles sont comprises entre 15 et 32°.

Les pentes les plus fortes sont uniquement localisées aux abords du glissement, c'est à dire qu'elles correspondent à l'escarpement principal du glissement de terrain. Elles sont comprises entre 34 et 38° .

Par le fait même de leur édification, le cône d'éboulis (au sud du terril) et la zone régulière (au SO du terril), présentent des valeurs de pente également moyennes à faibles : comprises respectivement entre 15 et 30°, avec une moyenne de 24°, et entre 18 et 32°, avec une moyenne de 27° .

Le glissement de terrain situé au sud du terril présente des pentes comprises entre 27 et 33°. Les pentes les plus fortes correspondent à la seule partie de l'escarpement principal encore visible à l'heure actuelle, à l'est du glissement, avec des valeurs comprises entre 35 et 38° .

Ce qui apparaît sur la figure 6.14, c'est que la majorité des pentes fortes (> 33°) apparaissent clairement dans la zone caractérisée par la succession de crêtes et de ravines .

Les pentes qui peuvent atteindrent des valeurs parfois supérieures à 40° (mais toujours inférieures à 42°), constituent les versants des ravines.

Remarque

Par la construction même de la carte (voir chapitre 5), les valeurs ne portent pas sur les lignes de crête et sur les fonds de ravine ; elles ne reflètent en rien l'allure générale du versant sur lequel " reposent " les crêtes. Mais nous savons, grâce aux mesures effectuées, que les pentes que nous rencontrons sur les lignes de crête et les fonds de ravine (qui présentent les valeurs les plus importantes) sont comprises entre 17 et 32° .

Figure 6.15. Différence entre la pente de la ligne d'une crête et celle de son versant

Les pentes les plus fortes, supérieures à 33°, correspondent :

•  à l'escarpement principal des glissements de terrain ;

•  aux versants des ravines, y compris les éperons tronqués .

Ces formes constituent donc les " zones sensibles ou dangereuses ", c'est à dire les zones du terril qui sont les plus susceptibles, à l'heure actuelle, d'être affectées par les agents de transport en masse, notamment par les glissements de terrain.

Elles constituent également les zones les moins boisées, puisque la végétation éprouve des difficultés à s'installer en raison de la forte pente. Cette observation accroît davantage le risque, puisque cette dernière fixe (et protège) le terrain sur lequel elle repose. Ceci malgré le poids qu'elle exerce sur le terrain, qui agit dans le sens contraire de la stabilisation du sol.

6.5. La végétation

Le rôle que joue la végétation dans la stabilisation d'un versant de terril a déjà été mis en évidence par Frankart (1984) :

•  les racines de la végétation stabilisent les versants qu'elles colonisent ;

•  la couverture végétale diminue les phénomènes d'érosion par sa capacité à intercepter une partie des précipitations.

Aujourd'hui, le terril de Bernalmont est totalement recouvert par un boisement de bouleaux verruqueux ( Betula pendula ) relativement dense. Cette densité est bien mise en évidence sur la photographie aérienne ci-dessous : on a du mal à distinguer la surface du terril, même en hivers.

Photo 6.8. Visualisation du boisement de bouleaux verruqueux du terril de Bernalmont

(Source : photographie aérienne, Ek, 13/01/2001)

Grâce à son enracinement traçant , avec de nombreuses racines latérales étendues, le bouleau verruqueux fixe le versant qu'il colonise, mais son action demeure relativement superficielle.

De ce fait, lorsqu'il parvient à s'installer sur un versant affecté par le " creep ", il est déformé par la pression qu'exercent les éléments mobiles au niveau de son collet (une telle déformation est rarement observée sur les arbres qui ont un enracinement plus profond comme le robinier faux-acacia).

Parallèlement, ce que les botanistes appellent le " géotropisme " redresse la tige : il résulte que les bouleaux verruqueux sont caractérisés par un collet et des racines coudés. Il peut également arriver que l'axe principal se couche sur le sol et qu'un ou plusieurs axes latéraux se développent (Frankart, 1984).

 

 

Figure 6.16. Enracinement traçant des bouleaux verruqueux

(Source: Rondeux, 1998)

1. Le collet : lieu où la tige passe au pivot (prolongement souterrain de la tige). Sa position normale est au niveau du sol.

2. Le creep : le manteau d'éléments superficiel est affecté par un mouvement de descente très lent. Ce mouvement est imperceptible à l'œil nu et ne laisse en général aucune trace sensible dans la topographie. Les principales actions responsables du creep sont : les variations de volumes dues aux changements de température, aux alternances de séchage et d'humidification, aux gels et dégels, l'apparition de vides dans le sol sous l'action des animaux fouisseurs et des racines des plantes, le balancement du sol par les racines des plantes secouées par le vent, et l'augmentation de charge à la surface par les passages des animaux et des hommes. La vitesse du creep dépend principalement de la valeur de la pente, de la granulométrie du sol et de la teneur en humidité de ce dernier.

Remarque : Si la couverture végétale permet une stabilisation du sol, elle peut paradoxalement favoriser le creep.

Photo 6.9. Déformation du collet des bouleaux verruqueux et géotropisme

La figure 6.17, nous montre que les zones mobiles , c'est à dire où des déformations ont pu être observées, coïncident avec celles de " forte pente " : l'escarpement principal du glissement NO, les versants des crêtes, le versant qui surplombe le cône d'éboulis. Seul l'escarpement principal du glissement au sud du terril ne présente pas d'arbres déformés. Ceci ne veut pas dire qu'il n'est pas soumis au creep, mais résulte de la présence de chênes qui ont un enracinement (pivotant) beaucoup plus profond que celui des bouleaux.

La zone où s'observe la densité de végétation la plus faible a également été reprise. Cette dernière recoupe plusieurs unités morphologiques. Ce qui nous montre que la colonisation végétale n'est pas uniquement dictée par la pente du versant, mais également par son orientation, son pH, sa teneur en eau,…

Les versants de forte pente mis en évidence plus haut, qui sont peu boisés et où l'on observe des arbres déformés, sont à l'heure actuelle, les zones les plus " sensibles " du terril.

Remarque

Les arbres déformés ont été répertoriés parallèlement à nos relevés au clinomètre (voir chapitre 5). Ceci nous a ainsi permis de les replacer relativement facilement sur la photographie aérienne de 1971. De même pour la zone peu boisée qui a été établie par simple fixation arbitraire d'un seuil de densité : moins de 10 arbres/200 m².

6.6. Le ruissellement

L'extraction du réseau hydrographique du terril a été obtenue, à partir du MNT, sur le logiciel Arcinfo : figure 6.18 (voir annexe) .

Nos observations sur le terrain ont essentiellement eu lieu au cours de deux journées très pluvieuses : le 3 février 2001 ( 23,8 mm ) et le 15 avril 2001 ( 24 mm ). Elles avaient pour but de vérifier si le ruissellement correspondait bien au réseau que nous avions obtenu.

Remarque : La quantité de pluie qui est tombée lors de ces deux journées nous a été fournie par M. Brichet. Il possède une station météorologique située à Sainte Walburge (au nord du terril).

Il ressort que le ruissellement ne suit pas le réseau hydrographique.

En effet, le terril présente une perméabilité élevée qui résulte de la grossièreté des éléments qui le constituent. La percolation de l'eau de pluie est très rapide et très importante ; le ruissellement est faible. Cela veut dire que ce dernier ne peut se développer que sur des surfaces qui présentent des perméabilités plus faibles que les zones voisines.

Nos observations traduisent ce fait. Le ruissellement n'est observé que :

•  le long de l'ancienne rampe de déversement où de nombreuses dalles de béton et de glissières ont subsistées ;

•  le long du chemin (voir carte 3.1) qui est, sans cesse, compacté par le passage des promeneurs.

Aucun ruissellement ne s'observe dans les ravines de déversement.

L'érosion se marque par la formation d'une ravine de ruissellement . Celle-ci peut présenter une profondeur qui peut atteindre 1 m .

 

Photo 6.10. Ravine de ruissellement au nord du terril de Bernalmont

 

Photo 6.11. Coupe à travers le cône de déjection à l'extrémité nord du terril de Bernalmont

Le ruissellement prend en charge des éléments qu'il emmène vers le bas, ceux-ci créent des cônes de déjection au pied du terril (voir figure 6.3).

Une coupe à travers chaque cône de déjection, nous a permis de voir que les éléments qui ont été pris en charge, sont très fins. Ce phénomène provoque ainsi un appauvrissement en éléments fins du sommet au pied des ravines.

La dimension restreinte des cônes, le plus grand fait environ 2 x 3 m sur une épaisseur de un mètre (soit environ 6 m³ ), permet de nous rendre compte que l'érosion par ruissellement est faible sur le terril (si on accumule tous les cônes cela fait environ 13 m³ d'éléments emmenés au pied en 30 ans, pour un volume total de 3.000.000 m³ environ).

Ce fait résulte, en plus de la grande perméabilité du sol :

•  de la présence d'une couverture végétale relativement dense ;

•  du fait que les éléments qui forment les cônes proviennent surtout de l'incision du chemin et de la rampe, puisque les ravines sont toutes en inversion de relief ; l'apport en éléments par les versants est faible, même pour le tronçon de chemin qui passe au pied d'une petite partie de versant.

6.7. Conclusion

La morphologie du terril de Bernalmont a d'abord résulté des techniques de déversement ; l'érosion par ruissellement a toujours été faible.

Pendant son édification, il a été affecté par de nombreux agents de transport en masse, de plus au moins grande envergure, qui ont sensiblement modifié sa forme originelle.

Le rejet latéral, glissement affectant les matériaux de la base des terrils qui reposent sur des terrains meubles, est la cause principale du déclenchement des mouvements passés.

A l'heure actuelle, les zones qui présentent un " danger " sont :

•  celles qui présentent de fortes pentes, où la végétation est faible et où l'humidité est élevée, elles sont également caractérisées de mobiles en raison du creep observé ;

•  la base du terril où une nouvelle mobilisation des matériaux ne peut être totalement écartée : les endroits saturés reposant sur des matériaux meubles.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

Le terril digité de Batterie nouveau en 1971

Terrils coniques de Bernalmont et Belle-Vue
Terril à crête de la Petite Bacnure